De 1995 à 1997 Daniel Frank utilise la photographie comme point de départ dans son travail de peintre. Mais, après avoir ressenti un écoeurement vis-à-vis d’elle, il revient à un contact direct avec le réel. Depuis 1998 – date à laquelle il commence ses portraits de personnes âgées dans un EMS – Daniel Frank choisit de se mettre au service d’un modèle. Il entreprend alors trois séries de portraits dont « Masques » et « Portraits », exposés à la Ferme-Asile.
La série « Vieillesse » est une véritable épreuve. La toile a de plus en plus de peine à contenir les visages qui la submergent. A son achèvement, Daniel Frank doit cesser de peindre durant quelques longs mois. La série de « Masques » jaillit alors comme « une lumière au fond d’un tunnel ». Cette fois, les têtes sont maintenues dans un carcan noir, presque pour les empêcher de grandir. Avec la série de « Portraits » qui suit, une harmonie s’installe. Le modèle flotte en pied dans l’espace de la toile sur des fonds monochromes, la plupart de temps clairs.
Daniel Frank est adepte du temps lent. Il dépouille peu à peu le modèle de ses artifices. Il traque les éléments constants de la personne, qui émergent sous les infinis mouvements de peau, « cherchant dans le modèle ce qui lui-même ignore ». Véritable approche physique, énergétique, de l’autre en contradiction totale avec la virtualité et l’impatience souvent présentes dans le relationnel.
De cette immersion au cœur du modèle, les portraits de Daniel Frank gagnent une part de mystère, un regard absorbant qui rappelle la douceur et la nostalgie des peintures du Fayoum. Rien à voir avec un simple portrait réaliste. L’intensité que l’artiste déploie ouvre la peinture à une forme de transcendance, de poésie.
– Benoît Antille – Exposition à la Ferme-Asile, Sion – septembre 2005