Cette page présente quelques extraits d’articles parus dans la presse à propos du travail de Daniel Frank.
Monochromes
« Tout se joue sur la couleur que l’on ne voit pas vraiment mais que l’on peut sentir ».
Espace CHUV – Il est impossible de traverser l’imposant hall d’accueil sans en prendre plein la vue avec le nouveau – et splendide – travail du Lausannois, originaire des Grisons et né à Zurich en 1968. Ces racines ont leur importance car, finalement, ce sont elles qui transparaissent des paysages, d’apparences monochromés, dont il fait jaillir la lumière si particulière et le dessin tellement maîtrisé. Ses toiles ne sont pas le résultat d’un travail de juxtapositions mais bien celui de superpositions. Il en faut d’ailleurs beaucoup pour obtenir autant de nuances, qui surgissent de l’intérieur, pour soutenir le relief alpin. Il en faut aussi de l’audace et du talent pour anticiper la couleur finale, celle qui va violacer la montagne, rougir la rivière, jaunir la forêt. C’est calme, apaisant, « onirique » ajoute-t-il même. Laurent Delaloye – 24heures, 10 avril 2014
Mosaïque d’émotions
Réempoigner le réel et se colleter avec la peinture figurative dans ses sujets les plus classiques et les plus traités et ressassés qui soient (des portraits, des nus, des couchers de soleil, des fleurs) : voilà le défi que Daniel Frank a choisi de se lancer. Il n’est pas dans l’air du temps de l’art actuel ? Il n’en a cure. Mais il ne fait pas non plus profession de foi de contre-courant. Il ne prend pas la pose, il ne brandit pas de manifeste, il peint. Avec en point de mire les grands qu’il vénère :Giacometti, Varlin, Lucian Freud. Et avec un sens aigu de l’observation, une belle empathie avec ses modèles, les émotions et l’inquiétude qui l’habitent et le poussent à réinterroger sans cesse son rapport aux autres, au monde, à la vie.
Au CHUV, il mélange délibérément sujets et formats différents dans un mixage de points de vue en mosaïque. Entrés dans sa peinture depuis peu avec dans les meilleurs moments des accents parfois presque vallottoniens, ses paysages semblent encore un peu en rodage. Les portraits, eux, sont portés par un mélange de vigueur à la limite de la brutalité parfois et plein de tendresse en dessous.
Mais plus que tout, Daniel Frank est un dessinateur formidable, qui campe des montagnes et des hommes d’un même trait libre et sûr, à la fois incisif, ondoyant et elliptique. Françoise Jaunin © 24 heures, février 2005
La peinture prend corps
Pétrisseurs de pâte humaine, ils ont tous deux choisi de l’être, obstinément, passionnément, dans une époque qui ne pratique plus guère la peinture de figures. Dans le cadre de l’année que la Ferme-Asile dédie à la figure humaine, Rolf Blaser, le Soleurois de La Chaux-de-Fonds, et Daniel Frank, le Zurichois de Lausanne, font cimaise sédunoise commune. Sous leurs pinceaux, en tête, en torse ou en pied, la peinture prend corps, avec un sens du tragique véhément et douloureux chez Blaser, et avec une formidable empathie envers ses semblables chez Frank. Marqué par Bacon, le premier peint la condition humaine dans toute la fragilité de sa chair et la blessure existentielle d’être au monde. Plus proche de Lucian Freud, le second peint des rencontres, des moments de vie et d’intimité partagée. L’un s’attache à l’universel qui rejoint les intimités particulières, le second part de l’individu pour mieux toucher à ce qui le relie aux autres. Des deux côtés, ni décor ni mise en scène, seulement les visages et les corps mis à nus sur fond blafard ou ténébreux. Scansion lancinante et pouvoir incantatoire de tous ces corps fatigués, vrillés et tourmentés et de ces visages où le peintre traque l’intensité des regards en «cherchant dans le modèle ce que lui-même ignore». Françoise Jaunin © 24 heures Région La Côte; 26.10.2005
Street Parade
Si le Zurichois Daniel Frank est venu à l’Ecole d’art de Lausanne et à son département audiovisuel, c’est parce qu’il n’arrivait pas à choisir entre la peinture et le cinéma. Aujourd’hui, son diplôme de peinture en poche, il se partage entre le pinceau et la caméra. Mais à elle seule sa peinture est déjà cinématographique. La série de « reportages » noir blanc qu’il a peints à partir de photos prises à la Street Parade de Zürich est bien d’un peintre par le frémissement de son geste et la simplification expressive des figures, tandis que le « cadrage » des compositions et le sens du mouvement des corps sont d’un cinéaste habitué à composer avec le matériau du réel. Françoise Jaunin, critique d’art, 24heures, 1er mai 1997.
Icônes de la rue
Dans le flux des passants, il scrute, repère, cadre, arrête l’image, garde le mouvement. Daniel Frank est peintre et vidéaste, jouant du pinceau avec les mêmes regards et réflexes que derrière le viseur, et donnant à ses foules le réalisme de l’instantané photographique. Mais à cette intensité de regard s’associe un décalage qui, d’abord infime, se creuse de plus en plus, déréalisant insensiblement l’image peinte pour en faire une projection mentale…. Françoise Jaunin, critique d’art, 24heures, mars 1997.
Salon Jeune Peinture
« Je ne connais pas Daniel Frank. Ou plutôt si. Je pense que je le reconnaîtrais immédiatement dans une rue, dans une gare, assis isolé dans un café ou dans un wagon-restaurant mal éclairé. Ses toiles, dont la facture lisse et les effets de cadrage évoquent la photographie, n’ont qu’un seul sujet : un visage qu’on présume le sien. Les autres figures, de dos ou de profil, ne sont que des figurants ou, au mieux, les seconds rôles d’une séquence inachevée, d’un arrêt sur image vide de toute narration. Au fond, vus par une fenêtre de train ou de car, des paysages obscurs, brouillés, défilent.
Démesurément agrandi par l’effet de zoom, comme décollé de la surface du tableau, l’artiste occupe la quasi-totalité du premier plan. Malgré sa proximité, il semble absent, inaccessible. Le regard introverti, halluciné, les cheveux ébouriffés, Daniel Frank refuse tout dialogue, ne voit personne, il est de passage. Je l’observe. Et soudain, l’inquiétude me saisit. Y aurait-il plusieurs Daniel, plusieurs Frank ? Ces autoportraits ne se ressemblent pas. Les contours imprécis et tremblant, comme tracés à la hâte, à mi-chemin entre immobilité et fébrilité, sont flous. « Est-ce lui, tous ces visages ? Sont-ce d’autres ? De quels fonds venus ? » Peut-être, comme l’écrit encore Michaux, « menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages. » À l’occasion, Daniel, à l’occasion, Frank, passez me voir, montrez-moi votre face. » Itzhak Goldberg, critique d’art et professeur d’histoire de l’art, Salon Jeune Peinture, Paris, 1997.
Un peintre du quotidien
« Ce peintre de vingt-sept ans avait déjà présenté l’année dernière plusieurs toiles très fortes dans une exposition intitulée La traversée du quotidien. On y voyait des tables, des canapés, des tabourets, des baignoires, des bidets dont le caractère parfois sordide se trouvait transfiguré par la fougue du traitement de l’artiste. Celui-ci a fait depuis du chemin. Sa production continue à nous maintenir à l’intérieur de quelques appartements, mais leurs fenêtres s’ouvrent dorénavant sur de vastes paysages naturels ou citadins. L’air circule. Les couleurs se sont apaisées. Les rapports de tons sont devenus plus subtils. Chaque tableau chante avec cohérence l’émotion qui peut naître de la rencontre d’un spectacle extérieur avec une sensibilité intime. » Samuel Dubuis, critique d’art, Le protestant, 1995, 20 mai 1995.
Des deux côtés de la fenêtre
« Dedans, dehors. Dehors vu du dedans. Frontières des fenêtres, de la balustrade et du balcon. Comme le coucou, Daniel Frank entre chez ses amis, en leur absence, et explore l’intérieur et l’extérieur des lieux. Son regard embrasse en même temps les robinets de la cuisine, le torchon, la plante verte et le curieux ménage que font un vieux toit de tuiles et un cube locatif. (…)
Reprenant donc le thème des intérieurs, classique, des Flamands aux Impressionnistes, Daniel Frank ouvre des portes, en révèle d’autres en enfilade, s’engage dans un corridor baigné d’une lumière d’eau pâle, surprend Lausanne entre les barreaux d’une balustrade et plonge dans les vieux quartiers roux et bleus. Le cadrage est toujours intéressant, convoquant le regard dans les profondeurs de l’appartement ou le projetant, à travers la frontière de la fenêtre à espagnolette, dans un ciel laiteux de neige, un jardin ou de grands arbres.
Sur le seuil de la cuisine, le regard se pose sur ses carreaux de faïence verte, sa cafetière et la table de bois sombre. Le curieux en explore une autre en plongeant dans le reflet étrange d’une bassine. On passe au salon, à la salle de travail, puis dans le charmant désordre d’un lit rose et bleu, ou celui d’une alcôve rousse et ocre à la couche bousculée. D’une touche ample et nourrie, Daniel Frank fait ressentir la vie latente des pièces silencieuses en relation avec le dehors citadin, dont on devine la rumeur assourdie. Une force originale et une très grande cohérence dans le thème traité comme une exploration de l’univers visuel quotidien. » Mireille Schnorf, journaliste, Riviera, 12 mai 1995.