Cinq questions posées à Daniel Frank, concepteur de la monnaie commémorative « Max Frisch »

Comment avez-vous procédé dans la conception de la monnaie commémorative « Max Frisch » ?

Daniel Frank: Un ami professeur de littérature m’a conseillé de me rendre à l’Institut Max Frisch, ce que j’ai cependant évité. Je craignais d’y entrer en contact avec les spécialistes. Je voulais d’abord rencontrer Max Frisch dans le silence et me faire une idée sans subir d’autres influences. Pour chaque portrait, je me mets provisoirement dans la peau de la personne concernée. Les expressions de son visage, ses idées font apparaître un intérieur sans paro- les, un fond solide. A partir de ce centre, une image se développe chez moi, qui n’est pas ab- solument identique à la personne mais fait apparaître sa force. Moins je connais une per- sonne, plus ce processus est simple. En l’occurrence, ce fut une chance. J’avais pratiquement oublié Max Frisch depuis l’école et je ne l’ai jamais vu de son vivant. Dans un accès d’activité, j’ai emprunté plus de 30 livres dans des bibliothèques, les ai survolés et scanné toutes les photos possibles. J’avais l’impression que Max Frisch m’aidait intensément dans cette tâche. Sa perception profonde et sa foi en la fiction m’ont donné l’élan nécessaire. Il m’a permis de trouver un visage qui n’était peut-être pas lui mais une imagination proche de la vérité. Etant donné les nombreuses finesses de l’expression du visage, j’ai collaboré directement au mo- dèle en plâtre pour la matrice de frappe.

Qu’est-ce qui vous a tenté dans cette tâche de créer une monnaie commémorative? Quels étaient les défis ?

D.F.: Des mondes d’une complexité étonnante se cachent derrière ce petit morceau de métal frappé. A commencer par le Département des finances, l’infrastructure hautement technologi- que, l’artisanat, un peu d’histoire suisse et enfin mon interprétation visuelle pour immortaliser un homme. Un défi passionnant a été de passer par toutes ces impressions intérieures et ex- térieures pour créer une image qui soit à la mesure de Max Frisch tout en répondant à toutes les attentes. Ce fut un travail collectif.

A cela s’ajoutait l’idée flatteuse de pouvoir donner un visage à la caractéristique de plus en plus abstraite et virtuelle de l’argent. Donc définir l’argent non comme un chiffre mais comme un objet visuel. Et cela veut dire que la valeur quantitative ne saurait exister sans la valeur symbolique.

Quelle était votre relation avec Max Frisch avant ce mandat de conception? Celle-ci a-t-elle changé durant le travail ?

D.F.: Walser, Dürrenmatt, Frisch – c’est dans cet ordre que je connaissais et que je préférais les auteurs. Dans ma jeunesse, Max Frisch était moins passionnant que les autres, ses livres un peu trop intellectuels et la personne plutôt inaccessible pour moi. Dans l’entretemps, cela a

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Informations de fond sur le communiqué pour les médias monnaie commémorative « Max Frisch », 20.1.2011

changé, également grâce à la redécouverte lors de ce travail. Son œuvre me paraît plus vi- vante que jamais et son immense personnalité me touche beaucoup.

Vous avez fait d’innombrables projets. Pour quelle raison? Quel a été votre projet préféré ?

D.F.: Pour commencer, j’ai beaucoup esquissé. J’ai dû copier les photos collectionnées de livres et sur Internet afin de pouvoir les comprendre. Un dessin spontané m’aide à redécouvrir le sujet, à l’expliquer et à m’en rendre plus conscient; autrement, je ne ferais que jouer avec des idées d’images. Pour me mettre à la place de l’homme Max Frisch, je n’avais d’autre choix que de faire de nombreux projets. J’étais fasciné du changement de son visage. Il a si souvent changé au cours de sa vie. Sa pipe toujours à la bouche était une caractéristique de sa per- sonne, difficile à interpréter. Son caractère complexe apparaît dans tous ses visages différents aussi bien que dans son œuvre très vaste. La difficulté consistait à sélectionner un seul visage tout en ôtant son importance à la pipe. J’aurais pu faire mille dessins de lui, à la fin, il n’y en avait que quelques douzaines. La vue de face s’est imposée car on y voit son empathie, son regard interrogateur, sa volonté inébranlable d’élucider les choses sans chercher à les domi- ner. Il était lui-même un miroir.

Etes-vous satisfait du résultat, de la frappe définitive ?

D.F.: L’important était pour moi de créer quelque chose de vivant. A mon avis, c’est réussi. La fascination qui ressort de cette figure de caractère est toujours vivante. J’en suis convaincu: on peut retrouver Max Frisch dans cette monnaie commémorative.